SAÍDA DO EURO – UM TEXTO DE JACQUES MAZIER – VERSÃO FRANCESA – IV

Selecção de Júlio Marques Mota

Le futur de l’euro

Juin 2013

Jacques Mazier

(CONTINUAÇÃO)

Une Europe à plusieurs vitesses avec euros nationaux

Une Europe à plusieurs vitesses prend acte des réticences à augmenter le budget européen et de la difficulté à mettre en œuvre des politiques coordonnées. C’est une Europe plus flexible mais qui ne s’enferme pas dans des politiques d’austérité sans issue. Elle se caractérise par :

-l’instauration d’un nouveau régime monétaire en Europe où des euros nationaux sont réintroduits avec la possibilité d’ajustements des parités intra-européennes en fonction de l’évolution des caractéristiques structurelles de chaque économie nationale ou de chaque bloc régional (Europe du Sud, de l’Ouest, de l’Est et du Nord). Ce régime monétaire peut prendre différentes formes : retour au Système Monétaire Européen (SME) ; maintien de l’euro pour les pays du Nord de l’Europe et flottement géré des euros nationaux des pays du Sud ; articulation entre un euro externe commun géré par la BCE et des euros nationaux avec une grille de parités intra-européennes fixes, mais ajustables.

-l’absence de budget fédéral, c’est-à-dire son maintien à son niveau actuel (1% du PIB européen) pour assurer la préservation de certaines politiques européennes dans les domaines de l’agriculture et de la recherche ; les politiques régionales européennes ou les transferts budgétaires intra-régionaux n’ont plus lieu d’être en raison des ajustements qui peuvent être opérés à travers les modifications de parités intra-européennes ; il n’y a pas d’euro-obligations, ni d’Agence européenne de la dette.

-les modifications de parités effectuées au moment de la mise en place du nouveau régime monétaire (dévaluation des euros Sud et Est, réévaluation des euros Nord) permettent de rétablir la compétitivité au Sud et à l’Est et de relancer la croissance en évitant les politiques d’austérité budgétaire et en permettant à l’investissement de repartir.

-les politiques structurelles nationales, principalement politique industrielle et politique régionale, retrouvent plus d’autonomie face à une politique européenne de la concurrence moins dominante ; la notion de « marché unique » perd une partie de son sens avec des parités monétaires intra-européennes susceptibles d’être ajustées ; les politiques nationales peuvent mieux valoriser les spécificités propres à chaque espace national ; les aides publiques font l’objet de moins de contrôle de la part de la Commission et prennent des formes différentes selon les pays (plus au niveau étatique en France, plus au niveau régional en Allemagne ou en Italie par exemple) ; plus généralement les politiques industrielles s’organisent selon des schémas différents dans chaque pays (Banque nationale d’investissement, champions nationaux, Fonds d’industrialisation).

-des coopérations à la carte entre certains états membres se développent en fonction de chacun de leurs points forts spécifiques et de leurs spécialisations (Agences européennes ne regroupant que quelques Etats ; programmes d’investissement communs à la carte autour de grands projets tels que voiture propre, nanotechnologies, cellules photovoltaïques).

-la diversité des modèles sociaux est renforcée sans convergence institutionnelle (pas de salaire minimum européen, diversité des systèmes de retraite, poids inégal des syndicats et des négociations collectives) ; mais une convergence partielle est permise par le rattrapage et une croissance plus soutenue

Régime monétaire

Deux familles de régime monétaire sont envisageables, la première reposant sur la réintroduction de monnaies nationales avec un système de taux de change gérés, la seconde basée sur la cohabitation d’un euro externe commun et d’euros nationaux avec une grille de parités intra-européennes fixes mais ajustables. Ces régimes monétaires soulèvent tous des problèmes au moment de la mise en place avec un risque de transition chaotique si celle-ci se fait à l’occasion d’une crise. La gestion de la dette externe apparait comme un point particulièrement sensible. Ces questions sont discutées plus loin.

Réintroduction de monnaies nationales avec un système de taux de change gérés

Plusieurs variantes sont envisageables dans cette perspective. Dans la première variante les pays du Nord de l’Europe autour de l’Allemagne conservent l’euro et reconstituent une zone mark sous un autre nom. Les pays du Sud déprécient leurs monnaies par rapport à l’euro à l’occasion de l’éclatement de la zone, puis mettent en place un système de change géré avec ancrage sur l’euro et possibilité de réajustements périodiques en fonction de l’évolution de leurs caractéristiques structurelles, notamment en termes de compétitivité. L’euro du Nord devient, pour les pays du Sud, une devise étrangère, plus proche que le dollar, pouvant être davantage utilisée dans les transactions intra-européennes, mais concurrente du dollar. Une telle évolution marque un retour en arrière dans la construction européenne et traduit le rôle prédominant joué par l’Allemagne. Mais elle présente l’avantage d’apporter une réponse à l’hétérogénéité qui caractérise la zone euro et d’offrir aux pays de l’Europe de l’Est une articulation plus claire au plan monétaire avec le reste de l’Union européenne. Elle suppose pour limiter les risques d’instabilité qui avaient marqué le SME du début des années 1990 d’introduire certaines freins à la mobilité des capitaux (réserves obligatoires sur les dépôts et les actifs en devises, taxe sur les transactions financières). Ces mesures sont d’une efficacité relative et l’élément déterminant est le caractère réaliste des parités visées par les autorités monétaires des pays du Sud[1]. Les estimations de taux de change d’équilibre peuvent donner des indications utiles dans ce domaine. Bien que cette question donne lieu à débat, les divergences dans les résultats selon la méthode utilisée affaiblissent leur portée opérationnelle aux yeux de certains observateurs.

Reste le cas de la France qui, à bien des égards, est en position intermédiaire entre les pays du Nord de l’Europe et ceux du Sud. Décrocher par rapport à l’euro sera considéré comme une défaite en rase campagne par la plupart des gouvernements français. Les faits semblent pourtant avoir tranché en sens contraire. Depuis que l’obsession de la parité franc-mark a été introduite en 1977 par Raymond Barre, l’ancrage sur le deutschemark a conduit à des dévaluations trop tardives et trop limitées. A l’exception des années 1990 où l’Allemagne était handicapée par les coûts de la réunification, le franc, puis l’euro-franc a été surévalué par rapport à la devise allemande. Comme le disait le ministre allemand de l’économie des années 1980, « le SME est une machine à subventionner les exportations allemandes ». Il en va de même pour la zone euro actuelle. La France n’a ni le système social allemand pour mener à bien et supporter les coûts des adaptations sociales, ni la force de la machine à exporter allemande qui s’appuie simultanément sur la compétitivité coût et hors-coût. Son secteur exposé a besoin d’une certaine marge de manœuvre monétaire pour s’adapter face à la nouvelle donne internationale.  Faute d’une telle marge de manœuvre depuis trente ans, le déclin est manifeste et s’est accentué depuis les années 2000. Même si le choix est politiquement difficile, un décrochage du franc par rapport à l’euro allemand semble économiquement nécessaire.

Une autre variante de ce type de régime monétaire serait le retour pur et simple au SME, avec un euro qui ne serait plus qu’une monnaie panier composée des monnaies nationales en fonction du poids économique de chaque pays participant. Chaque monnaie nationale flotterait d’une manière gérée en respectant une bande de fluctuations, plus ou moins large, autour d’une parité de référence par rapport à l’euro. Ce régime redonnerait les mêmes marges de manœuvre aux pays du Sud de l’Europe avec la possibilité d’ajustement des parités de référence en cas de nécessité et poserait les mêmes problèmes d’instabilité et de risques d’attaques spéculatives. Ce régime serait en apparence plus symétrique entre les euros du Sud et du Nord. Mais l’on sait en pratique qu’il a été très difficile de faire fonctionner l’ancien SME sur une base symétrique. Les pays du Sud supportaient l’essentiel de l’effort de défense des parités tandis que le deutschemark flottait plus librement. Au niveau de la forme la position de la France serait plus confortable car elle n’aurait pas à choisir entre l’euro du Nord et le flottement. L’euro franc pourrait décrocher par rapport à l’euro mark dans des conditions plus faciles à habiller.

Une dernière forme de régime monétaire, symétrique de celle envisagée initialement, pourrait être considérée, avec la sortie du deutschemark de la zone euro, suivi par quelques monnaies du Nord de l’Europe. Le mark et ces dernières s’apprécieraient dans un premier temps, puis flotteraient librement ou d’une manière gérée par rapport à un euro qui serait préservé au niveau du Sud de l’Europe. Le siège de la BCE serait transféré de Francfort à Rome. Un tel régime monétaire serait loin d’être absurde économiquement.

Cohabitation d’un euro externe commun et d’euros nationaux

Dans cette deuxième famille de régime monétaire des euros nationaux seraient introduits et définis, par rapport à un euro externe, à partir d’une grille de parités intra-européennes fixes, mais là encore ajustables en fonction de l’évolution des caractéristiques structurelles de chaque économie nationale ou de chaque bloc régional (Europe du Sud, de l’Ouest, de l’Est et du Nord). L’euro externe serait conservé et géré par la BCE. Il flotterait par rapport au dollar et aux autres devises dans le cadre d’un système monétaire international de plus en plus tripolaire (dollar, euro, monnaies du bloc asiatique).

Ce type de régime de monétaire présente plusieurs avantages. Par rapport au fonctionnement actuel de la zone euro, il permet d’intégrer plus facilement les pays européens restés en dehors de la zone euro (certains pays de l’Est et du Nord) alors que la gouvernance européenne est rendue très compliquée par ce double statut d’appartenance ou non à la zone euro. Le système de parités intra-européennes, fixes mais ajustables, permet la cohabitation au sein de la même zone des pays marqués par une grande hétérogénéité structurelle dont l’importance avait été ignorée par les promoteurs de la monnaie unique au début des années 1990. Enfin, par rapport à un simple retour vers le SME des années 1980, le système proposé présente l’intérêt de conserver l’acquis représenté par la création de la BCE qui permet de disposer de nouveaux instruments de gestion plus performants que ceux existant du temps du SME.

Ces euros nationaux ne sont pas convertibles au  niveau international. Pour les échanges extérieurs et les mouvements de capitaux les euros nationaux doivent être convertis en euros externes mais cette convertibilité n’est pas libre. Différents modes de fonctionnement sont envisageables. Dans le cas où seules les banques ont des comptes en euros externes, elles détiennent des titres en euros nationaux, mais aussi des titres émis par les autres pays européens en euros externes et des titres libellés en dollars. Pour limiter les risques de spéculation, des réserves obligatoires déposées auprès de la Banque centrale nationale sont imposées sur les dépôts et les actifs en euros externes ou en dollars. Les banques centrales nationales font des avances aux banques commerciales nationales sous forme de refinancement. Elles détiennent un compte en euros à la BCE qui représente les soldes cumulés de la balance courante et des mouvements de capitaux du pays avec le reste de la zone. La BCE joue un rôle de chambre de compensation comme dans la situation actuelle, mais jusqu’à un certain seuil. Au-delà de ce seuil, la parité intra-européenne de l’euro du pays concerné doit être ajustée.

Les ménages et entreprises n’ont que des comptes en euros nationaux. Ces dernières ont cependant des comptes réservés en euros externes pour les échanges extérieurs et les opérations financières avec un plafonnement dépendant des opérations effectuées. Une version plus libérale peut prévoir que les entreprises ont aussi des comptes en euros externes librement convertibles, avec des réserves obligatoires pour limiter la spéculation comme précédemment.

Ce régime monétaire avec euros multiples est proche du projet de Chambre de compensation (Clearing Union) inspiré de Keynes et transposé par certains auteurs au niveau de l’Europe (Amato et Fantacci, 2011). Dans ce cadre chaque pays a un compte auprès de la Chambre de compensation européenne exprimé dans une unité de compte distincte des monnaies nationales (le bancor de Keynes). La Chambre de compensation assure la compensation multilatérale de tous les comptes. Chaque pays paie des intérêts sur son solde positif ou négatif, ce qui donne un fonctionnement symétrique incitant le retour à l’équilibre. En cas d’excédents ou déficits excessifs, des ajustements monétaires entre les monnaies nationales sont possibles pour favoriser le retour à l’équilibre. La principale différence avec le régime précédent est que le bancor est une simple unité de compte alors que l’euro externe est une monnaie commune utilisée dans les transactions internationales et librement convertible.

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[1] Entre 1993 et 1999 le SME a fonctionné avec des bandes de fluctuation élargies durant la période de transition avant le passage à l’euro sans subir d’attaques spéculatives, en grande partie parce que les grilles de parités étaient proches de l’équilibre après les ajustements opérés en 1992 et 1993.

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Para ler a parte III, publicada ontem, ver:

http://aviagemdosargonautas.net/2013/08/12/saida-do-euro-um-texto-de-jacques-mazier-versao-francesa-iii/

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